Petit retour en arrière : nous sommes pendant la Seconde Guerre Mondiale et les studios de cinéma connaissent une grave crise. Chez Disney l'on n'échappe pas à cette situation critique, et une grève donnant suite à l'autoritarisme excessif du
big boss Walt a lieu, suite à laquelle quelques 500 animateurs-maison donnent leur démission et préfèrent rejoindre la concurrence. En résultent des productions moins réussies et faites dans l'urgence (exceptions faites de
Bambi et
Dumbo). Toujours dans ce contexte délicat, le studio est sommé de contribuer à l'effort de guerre en réalisant des courts-métrages propagandistes... dont ressortiront
Saludos amigos (1943), film-
package de 4 courts-métrages thématisés autour de la notion de voyage, avec plus spécifiquement une amitié soulignée entre les Etats-Unis et les pays d'Amérique latine, puis deux ans plus tard ces
Trois caballeros, prolongeant cette succession de petits courts-métrages sur le même thème !
Les Trois Caballeros est donc un film-bâtard. Malgré une bonne centaine d'idées géniales et d'inventivité visuelle renouvelant constamment la surprise du spectateur, ce
package Disney laisse en définitive une impression d'inachevé. Pourtant il partait avec plus d'un atout dans sa manche.
Le postulat de base (Donald découvre différents cadeaux à l'occasion de son anniversaire) est posé d'emblée, avec pour commencer deux petites histoires au demeurant très sympathiques, où l'on retrouve la magie de conteur de Walt, dans la plus grande tradition des courts-métrages du studio. D'ailleurs le long métrage aurait continué sur cette lancée nul doute que je lui aurai attribué une note maximum...
Mais le bât blesse lorsque notre canard préféré, quoique bougon et colérique de nature, ouvre le deuxième paquet. Surgit alors José (découvert dans
Saludos Amigos deux ans auparavant), un perroquet débonnaire qui aime se laisser vivre et invite Donald à faire escale au Brésil. Hélas ô combien hélas ! Car si le film continue de jouer avec les codes écraniques (le
running gag de l'oiseau bizarroïde bien barré qui se permet des incartades en dehors de la pellicule par exemple) et se paie même le luxe de purs délires visuels (à l'image de Donald dans tous ses états lorsqu'il tente de retrouver sa taille initiale), l'attention du spectateur ne peut s'empêcher de décrocher lors de cette excursion à Baia, où l'incrustation du
live est certes réussie, mais prétexte à un rythme salsa un peu daté. Peu à peu dispersé, le spectateur finit même par se désintéresser progressivement des voyages soporifiques des deux compères, malgré leur capital sympathie irréfutable. Et après le Brésil avec José, c'est au tour d'une escale au Mexique avec Panchito... et la dégringolade continue inexorablement, entre des images surannées et une carte postale façon propagande pro-Amérique Latine des plus irritante.