Une ville, littéralement pourrie de l'intérieur. En surface, les habitants s'affairent à produire toujours davantage d'espèces sonnantes et trébuchantes, chacun amassant pour son propre compte un maximum de trésors et bijoux, que chaque voisin convoitera avec cupidité et avarice. Sous terre, des centaines de rats organisent quant à eux la résistance, pillant nourriture et dévalisant lesdites richesses des humains vivant quelques mètres au-dessus d'eux. En somme, cette cité médiévale n'inspire guère la sympathie, et l'on en viendrait presque à s'attacher pour ces rongeurs habiles, bien que leur but reste flou (qu'est-ce qu'un rat peut bien avoir à faire de l'argent ?). Survient alors un intrigant personnage mélomane tout de noir vêtu, proposant aux habitants de dératiser les environs, en échange d'une récompense... Offre acceptée, mais le joueur de flûte voit rouge lorsque le contrat n'est pas rempli, et que les villageois lui rient au nez en le renvoyant ad patres. Pour corser l'affaire, la seule femme sensible à ses douces mélopées est retrouvée dépouillée de ses biens, violée et tuée... La morale, un rien pessimiste, restera que les rats ne seront pas forcément ceux que l'on croit. Toutefois la toute dernière image, montrant un nouveau-né -métaphore évidente de l'innocence, de la pureté originelle- laisse poindre une lueur d'espoir. Toute humanité ne semble pas perdue.
La technique de Krysar, prodigieuse, est alliée à une esthétique baroque étourdissante, offrant une parabole pour le moins pertinente. L'aspect muet -hors introduction avec voix off- de cette production de l'Est qui dure à peine une heure en rebutera peut-être plus d'un (les plus jeunes auront probablement du mal à retenir leur attention), mais l'expérience en vaut largement la peine. Jiri Barta n'est pas l'un des plus grands cinéastes d'animation au monde pour rien.