C'est dingue ce que nos amis belges peuvent produire comme œuvres de qualité. Non pas que l'on en ait déjà douté, mais ces dernières années nombre de productions sont réellement parvenues à se distinguer, avec souvent un univers bien particulier et une patte toute singulière. Or la série Panique au Village, écrite et réalisée par le duo Patar-Aubier (à qui l'on devait déjà les désopilants épisodes de Pic-Pic et André), est de celles-ci. Il y a bien longtemps qu'une idée aussi originale et pourtant montée avec trois bouts de ficelle n'avait réussie à se mettre en place, bien longtemps qu'une telle créativité doublée d'un enthousiasme sensible ne s'étaient faits ressentir dans une série d'animation francophone... bien longtemps qu'on ne s'était pas autant fendu la poire, tout court.


Chaque épisode, sommet de non-sens proprement jubilatoire, présente des situations simples qui plongent systématiquement dans l'absurde, en un crescendo improbable. Le format court de la série (chaque épisode dure 5 mn environ) permet une efficacité constante, sans temps mort ni effet de lassitude puisque chaque nouvel épisode propose un postulat inédit. Mais le gag naît aussi -et presque surtout- de l'application d'une technique en apparence amatrice mais pourtant bien rodée : la façon volontairement ridicule dont se meuvent les personnages, leur accent wallon outré accentué par un doublage aux petits oignons, les gags visuels surprenants et toujours inattendus (une vache qui fait décoller une fusée...), tout concourt à déclencher une franche et spontanée hilarité. L'impression de foutoir délirant n'est d'ailleurs qu'un leurre, ainsi que le confirme Vincent Patar : "Le scénario est soigneusement ficelé, tout est dessiné précisément à l'avance dans un story-board, ce qui nous permet ensuite, au tournage, de nous livrer sans trop de risque à des improvisations au gré des choses qui nous viennent à l'esprit au moment-même". Le résultat : de la stop motion maîtrisée à la perfection, avec un peu de plasticine ajoutée aux figurines fixes (les plaquettes formant la base des jouets étant conservées intactes), et l'intégralité des vingt épisodes a pu être réalisée en seulement 14 mois pour un coût de 900.000 €, avec une équipe réduite de neuf personnes ! Autrement dit un budget dérisoire pour ce qui constitue l'une des meilleures séries humoristiques de cette dernière décennie. Avec une férocité mordante en filigrane, les créateurs en profitent au passage pour croquer les petits travers de leurs contemporains, comme le mensonge, la convoitise ou la gourmandise. Jubilatoire, on vous dit.

Série récompensée du Grand Prix série TV au Festival d'animation d'Annecy en 2001.
Egalement récompensée du Grand Prix du Dessin Animé de Bruxelles la même année.