Les frères Fleischer, pionniers dans le domaine de l'animation (on leur doit entre autres Betty Boop, les premiers courts-métrages de Popeye et la meilleure version jamais réalisée des aventures de Superman), réalisaient en 1939 leur premier long métrage, les Voyages de Gulliver. Directement adapté de l'illustre ouvrage de Jonathan Swift, le film mettra toutefois quelques quarante années avant de gagner les salles obscures hexagonales -avant un bref passage par la VHS, fort heureusement... Situation proprement invraisemblable, lorsque l'on juge sa qualité objective. Doté de moyens conséquents, ce film jouit en effet d'une réalisation impressionnante, avec une animation ultra-fluide (Gulliver bénéficie de la technique dite rotoscopique), des décors magnifiques et un rythme efficace que sert un scénario adroitement ficelé. Le passage développé dans ce long métrage se limite strictement à la partie sur l'île de Lilliput où Gulliver, ayant fait naufrage, tue dans l'œuf une sinistre guerre entamée entre les habitants, d'ordinaire paisibles. Pour précision, le roman le fera voyager par la suite sur l'île des géants puis celle des savants, avant de regagner sa contrée natale...
La qualité de l'ensemble rappelle sensiblement les productions Disney de la même période (tout en développant un style qui lui est propre), avec cette même propension aux séquences chantées, au nombre ici de deux. That's a rainy day, qui ouvre le film, est reprise à diverses occasions avec une variation dans les paroles, et le dyptique Faithful et Forever, hymnes proclamés de Lilliput et de Blefuscu, finiront par ne former qu'un seul et même air au final, marquant la réconciliation de deux peuples injustement déchirés et la réunion d'un couple à l'union un temps compromise. Car les Voyages de Gulliver ne narre finalement rien d'autre qu'une superbe histoire d'amour contrariée, à la Roméo & Juliette. Un vrai beau et grand classique de l'Histoire du cinéma.